Vieillir est inévitable. Mais bien vieillir, c’est-à-dire conserver sa vitalité, son autonomie et son épanouissement, est possible. La science a montré que certains facteurs clés influencent directement la manière dont nous avançons en âge. Et contrairement à ce que l’on pense, ces facteurs ne dépendent pas uniquement de la médecine moderne ou de conditions luxueuses : ils peuvent être intégrés dans la vie quotidienne, même dans les contextes les plus simples.
En Afrique de l’Ouest, où les systèmes de santé restent fragiles et où la majorité des aînés vivent sans couverture sociale, la question est cruciale : comment peut-on vieillir en bonne santé avec les moyens locaux ? Les recherches internationales, croisées avec les réalités africaines, convergent vers trois piliers essentiels.
1. Bouger : l’activité physique régulière
La science est unanime : rester actif est l’un des plus puissants leviers pour vieillir en bonne santé. Des études menées dans les fameuses zones bleues (ces régions du monde où l’on vit le plus longtemps) montrent que les personnes âgées y intègrent naturellement le mouvement dans leur quotidien.
En Afrique de l’Ouest, la marche reste déjà un mode de vie. Dans les villes, beaucoup d’aînés vont au marché à pied, se déplacent dans leur quartier, participent à la vie communautaire. Dans les campagnes, le travail agricole ou artisanal continue souvent après 60 ans. Ces activités, même modestes, contribuent à maintenir le corps en forme, à préserver la mobilité et à réduire les risques de maladies chroniques comme le diabète ou l’hypertension.
Mais bouger ne signifie pas forcément pratiquer un sport intensif. Il s’agit plutôt d’intégrer des gestes simples et réguliers :
- Marcher 30 minutes par jour.
- Pratiquer des étirements doux le matin.
- Entretenir un petit jardin.
Ces activités entretiennent les muscles, stimulent le cœur, améliorent l’équilibre et réduisent les chutes, souvent redoutées chez les aînés. A Abidjan, dans certains quartiers sont organisées désormais des séances de sport communautaire le samedi matin, ouvertes à tous les âges. Les aînés qui y participent constatent une meilleure énergie et un moral renforcé.
2. Bien manger : l’alimentation équilibrée
La deuxième clé d’un vieillissement en bonne santé est l’alimentation. Là encore, la science rejoint les pratiques traditionnelles africaines, même si elles tendent parfois à s’éroder avec la modernité.
Les recherches montrent que les régimes les plus favorables à la longévité reposent sur :
- Une forte proportion de légumes, fruits et céréales complètes.
- Des protéines variées mais modérées (poissons, légumineuses, œufs).
- Très peu de produits transformés, de sucre raffiné et de graisses saturées.
En Afrique de l’Ouest, nous avons une richesse locale inestimable :
- Le manioc, le maïs, le mil, le sorgho, le fonio : des bases riches en fibres.
- Les légumes-feuilles comme le gombo, le kplala, le chou : sources de vitamines et de minéraux.
- Les légumineuses (haricots, niébé, arachides) : protéines accessibles et nourrissantes.
- Le poisson : largement consommé sur les côtes, excellent pour le cœur.
Cependant, l’urbanisation et la mondialisation amènent de nouveaux défis : augmentation de la consommation de fritures, boissons sucrées, plats très salés. Ces habitudes favorisent l’obésité, l’hypertension et les maladies cardiovasculaires.
Vieillir en bonne santé, c’est donc réhabiliter nos savoirs culinaires locaux, en les adaptant :
- Réduire la quantité d’huile dans les sauces.
- Privilégier la cuisson vapeur ou à l’étouffée.
- Introduire plus de fruits frais dans l’alimentation quotidienne.
- Consommer moins de boissons gazeuses et plus d’eau ou d’infusions locales (gingembre, bissap, citronnelle).
3. Cultiver le lien social et l’esprit positif
Le troisième pilier, souvent négligé, est la santé mentale et relationnelle. Les études scientifiques confirment qu’un réseau social actif et un état d’esprit positif prolongent l’espérance de vie et réduisent les maladies.
En Afrique de l’Ouest, cette dimension est profondément culturelle : la famille, la communauté, le voisinage jouent un rôle central dans la vie des aînés. Les veillées, les cérémonies, les rassemblements religieux offrent des occasions de maintenir le lien et de nourrir le sentiment d’appartenance.
Pourtant, dans les villes modernes, l’isolement devient une réalité. Les enfants travaillent de longues heures, parfois à l’étranger, et les aînés se retrouvent seuls. Ce repli fragilise la santé mentale et favorise la dépression ou la perte de sens.
Entretenir un réseau social, ce n’est pas seulement « être entouré » :
- C’est avoir des amis ou des voisins avec qui partager un repas.
- C’est participer à une association locale, même modeste.
- C’est s’impliquer dans une activité collective : jardinage, artisanat, prière, danse.
- C’est cultiver des échanges intergénérationnels, en partageant son expérience avec les plus jeunes.
La science montre également l’impact de l’optimisme et de la gratitude sur la longévité. Un aîné qui continue de se fixer des objectifs, même simples, qui rit, qui prie ou qui médite, développe une meilleure résilience face aux épreuves.
4. Quand les trois piliers se renforcent
Bouger, bien manger et entretenir des liens ne sont pas trois actions isolées : elles se complètent et se renforcent.
Un aîné qui marche au marché entretient son corps, choisit ses aliments, et croise ses voisins. Une grand-mère qui cuisine des légumes avec ses petits-enfants stimule son esprit, son cœur et son rôle social. Un papi qui danse lors d’une fête de famille allie activité physique, plaisir et lien social.
C’est cette synergie qui crée les conditions d’un vieillissement véritablement en bonne santé.
Vers une responsabilité collective
Vieillir en bonne santé n’est pas qu’une affaire individuelle. C’est aussi une question de société. Encourager des environnements favorables – espaces publics adaptés à la marche, sensibilisation nutritionnelle, création de clubs et de lieux de rencontre – est une responsabilité partagée.
En Afrique de l’Ouest, nous avons un avantage : nos traditions de convivialité, nos aliments locaux sains et nos modes de vie actifs sont déjà des atouts. Il s’agit moins de copier des modèles étrangers que de réinventer nos propres pratiques, en nous appuyant sur ce que nous avons de meilleur.
Alors posons-nous une question simple :
Que faisons-nous, individuellement et collectivement, pour que nos aînés vivent non seulement longtemps, mais surtout bien ?
Car vieillir en bonne santé n’est pas un privilège réservé à quelques-uns : c’est un droit, une ambition, et une richesse pour toute la société.