Le Club de Baly

Pourquoi le vieillissement est une opportunité économique et sociale

En Afrique de l’Ouest, parler du vieillissement évoque souvent des défis : manque de protection sociale et coûts liés à la santé. Pourtant, cette étape de vie peut aussi être perçue comme une formidable opportunité, à condition de changer de regard et d’inventer des solutions adaptées à nos réalités locales. Car vieillir n’est pas seulement une affaire de survie : c’est aussi un potentiel économique, social et culturel encore largement inexploité.

1. Le vieillissement : une réalité en expansion

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : la population âgée de plus de 60 ans en Afrique subsaharienne devrait tripler d’ici 2050. En Côte d’Ivoire, le nombre d’aînés passera de 1,2 million aujourd’hui à près de 4 millions en 2050. Ce basculement démographique transforme la société : il ne s’agit plus seulement d’accompagner quelques « anciens » au sein des familles, mais de penser une génération entière qui va vivre plus longtemps.

Souvent présenté comme une fatalité, ce vieillissement peut au contraire devenir un moteur de développement, si nous savons le valoriser.

2. Une opportunité économique : la silver economy

La « silver economy », ou économie du vieillissement, désigne l’ensemble des biens et services destinés aux personnes âgées. Dans les pays du Nord, ce secteur représente déjà des milliards de dollars : santé, loisirs, nutrition, technologies adaptées.

En Afrique de l’Ouest, ce marché est encore embryonnaire, mais le potentiel est immense. Quelques exemples :

  • Santé et bien-être : centres de soins spécialisés, activités physiques adaptées, programmes de prévention.

  • Alimentation : produits locaux revisités pour répondre aux besoins nutritionnels des aînés (moins de sucre, plus de fibres, produits digestes).

  • Technologies simples : téléphones à grosses touches, applications vocales en langues locales, bracelets de suivi de santé.

  • Services à domicile : aide-ménagère, petits soins, accompagnement administratif.

Chacun de ces secteurs peut générer de l’emploi, stimuler l’innovation et créer de nouvelles opportunités pour les jeunes entrepreneurs africains.

3. Un levier social : la transmission et le lien intergénérationnel

Les aînés sont des piliers sociaux. Ils transmettent les histoires, les valeurs, les savoir-faire. Dans un monde en pleine mutation, ce rôle de mémoire collective est précieux.

En Côte d’Ivoire par exemple, beaucoup de grands-parents jouent un rôle actif dans l’éducation des petits-enfants. Ils permettent aux parents de travailler, de migrer, ou simplement de souffler. Sans eux, l’équilibre de nombreuses familles s’effondrerait.

Valoriser ce rôle, c’est reconnaître que le vieillissement ne se résume pas à « coûter », mais qu’il contribue aussi à la productivité globale, même si cette contribution reste informelle et souvent invisible.

4. Les aînés comme acteurs économiques

Contrairement à certaines idées reçues, beaucoup d’aînés en Afrique ne cessent pas toute activité à 60 ans. Au contraire :

  • Les commerçants continuent à tenir leurs étals au marché.

  • Les agriculteurs poursuivent la culture de leurs champs, souvent en transmettant leur savoir-faire aux plus jeunes.

  • Les artisans (menuisiers, tisserands, cordonniers) restent actifs, parfois jusque dans un âge avancé.

Ces activités, modestes en apparence, participent à la vitalité économique des communautés. Soutenir ces aînés, leur donner accès à du micro-crédit, à des coopératives ou à des formations, c’est renforcer toute la chaîne locale de valeur.

5. Défis et risques si l’opportunité est négligée

Bien sûr, si nous ignorons cette transformation, les risques sont réels :

  • Explosion des coûts de santé sans système adapté.

  • Marginalisation des aînés dans des villes où le tissu communautaire s’effrite.

  • Perte des savoirs traditionnels si la transmission s’interrompt.

En négligeant cette étape, nous risquons de creuser des fractures sociales profondes. Mais en l’abordant avec créativité, nous pouvons au contraire en faire un levier de cohésion et de croissance.

6. Vers un nouveau regard sur l’âge

Pour transformer le vieillissement en opportunité, il faut d’abord changer de regard. Aujourd’hui, trop souvent, l’aîné est perçu comme quelqu’un « en fin de course ». Or, vieillir, c’est aussi disposer de temps, d’expérience, de réseaux et de compétences uniques.

En Afrique de l’Ouest, où la jeunesse est majoritaire, créer des ponts entre générations devient crucial. Les jeunes ont l’énergie et la créativité, les aînés ont la mémoire et l’expérience. Ensemble, ils peuvent bâtir des solutions nouvelles, notamment face aux crises (alimentaires, sociales, climatiques).

7.  Le Club de Baly – une initiative locale

Le Club de Baly s’inscrit dans cette vision : plutôt que de considérer l’âge comme un frein, nous en faisons un tremplin. Le Club de Baly propose des espaces où les aînés restent actifs, apprennent, partagent et contribuent.

Ce type d’approche crée de la valeur à trois niveaux :

  • Pour les aînés : santé, estime de soi, qualité de vie.

  • Pour les familles : soulagement, équilibre, meilleure organisation.

  • Pour la société : emploi, innovation, cohésion sociale.

Vers une nouvelle société ?

Le vieillissement en Afrique de l’Ouest pourra rapidement se transformer en fardeau si nous l’ignorons. Mais il peut devenir une formidable opportunité économique et sociale si nous savons l’anticiper et le valoriser.

La vraie question est simple :
Allons-nous attendre que la dépendance devienne une crise, ou allons-nous investir dès maintenant dans des solutions qui transforment l’âge en force ?

La réponse appartient à chacun d’entre nous, car vieillir n’est pas une affaire de statistiques : c’est une trajectoire que nous partageons tous, tôt ou tard.

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