On dit souvent que les grandes aventures entrepreneuriales naissent d’une histoire intime. Le Club de Baly n’échappe pas à cette règle. Ce projet, qui vise à réinventer la manière dont nous accompagnons nos aînés en Afrique de l’Ouest, est d’abord né d’un parcours personnel, avant de s’imposer comme une réponse à un besoin collectif.
Dans une société où vieillir est encore souvent perçu comme une fatalité, le Club de Baly propose une vision différente : celle d’un vieillissement actif, digne et épanoui. Mais derrière cette idée se cache une expérience vécue, une prise de conscience et une conviction forte : nous avons le pouvoir de transformer le regard sur l’âge.
1. Une histoire personnelle qui a tout déclenché
Tout a commencé dans le cercle intime de la famille. Comme beaucoup d’enfants de seniors en Côte d’Ivoire, j’ai vu mes parents et mes proches vieillir. J’ai constaté leurs besoins : plus de soins, plus d’attention, mais aussi et surtout plus de lien social et de reconnaissance.
J’ai vu l’inquiétude et l’angoisse des enfants – mes frères, mes sœurs, moi-même – pris dans cette « génération sandwich » qui jongle entre ses propres enfants, sa carrière professionnelle et le devoir d’accompagner ses parents. J’ai vu la solitude qui s’installe quand les réseaux sociaux se réduisent, quand les amis disparaissent, quand la mobilité devient difficile.
Ce vécu personnel a planté une graine : et si nous pouvions inventer un lieu, une communauté, où les aînés restent actifs, écoutés et valorisés ?
2. Le constat : un besoin collectif
Cette histoire intime a révélé un besoin plus large. Dans toute l’Afrique de l’Ouest, les familles traversent les mêmes réalités :
- Allongement de la vie : nos parents vivent plus longtemps, mais sans structures adaptées pour les accompagner.
- Affaiblissement des solidarités traditionnelles : en ville, les familles élargies éclatent, laissant parfois les aînés isolés.
- Charge invisible pour les enfants : beaucoup assument seuls le rôle de soutien financier, logistique et émotionnel.
- Tabou culturel : parler de vieillissement reste difficile, comme si l’évoquer était une manière de l’accélérer.
Ce constat a renforcé l’évidence : le problème n’est pas individuel, il est collectif. Et la solution devait l’être aussi.
3. Une vision : vieillir autrement
Le Club de Baly est né avec une conviction simple : vieillir n’est pas s’éteindre, mais entrer dans une nouvelle étape de vie.
Cela implique trois piliers :
- Bien-être : promouvoir la santé physique et émotionnelle par des activités douces, des ateliers de nutrition, des pratiques de détente.
- Lien social : créer des espaces de rencontre, de partage et de convivialité pour lutter contre l’isolement.
- Transmission : valoriser l’expérience des aînés et leur permettre de partager leurs savoirs avec les jeunes générations.
Au fond, le Club de Baly n’est pas un « service » pour les personnes âgées : c’est un mouvement qui redonne une place centrale aux aînés dans la société.
4. Un modèle inspiré mais adapté
Dans d’autres régions du monde, on trouve des clubs de seniors, des cafés intergénérationnels, des résidences partagées. Ces modèles ont inspiré la réflexion.
Mais en Afrique de l’Ouest, le contexte est unique :
- Peu de retraites formelles.
- Revenus modestes pour la majorité.
- Fort attachement aux liens familiaux et communautaires.
Le Club de Baly a donc choisi une approche hybride et locale :
- Des rencontres régulières, dans des lieux conviviaux comme l’Hôtel Particulier à Abidjan.
- Des activités qui allient modernité et culture locale (ateliers diverses autour de la musique, des arts, de la santé).
- Une tarification pensée non seulement pour les aînés, mais aussi pour leurs enfants, souvent premiers financeurs.
5. Les premiers pas du Club de Baly
Les premières activités du Club de Baly ont confirmé le besoin. Dès les premières rencontres, les aînés ont exprimé leur joie à « sortir de la maison », de partager des discussions profondes, de rire, de se sentir écoutés.
Nos ateliers de yoga et de gymnastique douce ont non seulement permis de retrouver vitalité mais aussi d’évoquer des souvenirs d’enfance, de raconter des histoires, de tisser du lien.
Ces moments simples révèlent la puissance de l’idée : il ne s’agit pas seulement d’organiser des activités, mais de créer une expérience collective où chaque participant retrouve une part de vitalité.
6. Un impact au-delà des aînés
Le Club de Baly n’agit pas seulement pour les aînés. Il transforme aussi la vie de leurs enfants.
- Sérénité : savoir que leurs parents participent à des activités, qu’ils sont entourés et actifs, réduit l’angoisse et la culpabilité.
- Dialogue : les rencontres intergénérationnelles favorisent des conversations plus profondes, loin des échanges purement logistiques.
- Inspiration : voir ses parents épanouis et actifs change la perception que l’on a du vieillissement – et de sa propre trajectoire de vie.
En ce sens, le Club de Baly est un projet familial et sociétal, pas seulement individuel.
7. Les défis rencontrés
Bien sûr, ce chemin n’est pas sans obstacles.
- Le tabou du mot “seniors” : en Côte d’Ivoire, beaucoup préfèrent parler d’« aînés » ou de « personnes expérimentées ».
- Les ressources financières : proposer des activités de qualité tout en restant accessibles demande un modèle économique solide.
- La sensibilisation : il faut convaincre que vieillir activement n’est pas une lubie, mais une nécessité de santé publique.
Ces défis ne freinent pas l’élan, ils poussent à l’innovation : alliances avec des partenaires, recherche de modèles hybrides, communication pédagogique.
8. Un projet collectif pour demain
À terme, le Club de Baly ambitionne de devenir plus qu’un club : un réseau de lieux, d’activités et de services qui changent le quotidien des aînés en Afrique de l’Ouest.
Il s’agit de bâtir une communauté où :
- Les aînés trouvent bien-être, reconnaissance et joie.
- Les enfants de seniors trouvent soutien et répit.
- La société tout entière redécouvre la valeur de l’âge et de la transmission.
Ce projet n’est pas seulement entrepreneurial : c’est un acte d’engagement sociétal.
Le Club de Baly, du personnel au collectif
Le Club de Baly est né d’une expérience personnelle, mais il répond à un besoin collectif. Il incarne une conviction : vieillir peut être synonyme de dignité, d’activité et de joie, si nous changeons notre regard et nos pratiques.
En racontant cette histoire, une question s’impose à chacun de nous :
Et si nous regardions le vieillissement comme une richesse à valoriser ?
Car au fond, ce que le Club de Baly propose, ce n’est pas seulement un club : c’est une invitation à réinventer ensemble la place de nos aînés (et la nôtre bientôt…) dans nos sociétés africaines.